Pluies, orages, tempêtes, crues, maisons inondées, effondrements… Les ravages causés par les inondations se poursuivent en France. Alors que les coûts des dommages s’élèvent déjà à 285 millions d’euros rien que dans les Alpes-Maritimes et le Var (source Ouest France), les communes et les habitants s’inquiètent tandis que les plus malchanceux perdent tout. La faute à l’étalement urbain, à l’empreinte de l’homme sur la nature…, facteurs aggravants du dérèglement climatique ?
Si on ne peut pas toujours contrer les phénomènes naturels, il existe pourtant des solutions pour se protéger, et protéger ses biens, contre les inondations. Explications de Sylvain Pasquier, Architecte HMONP, spécialiste des constructions en zones inondables et auteur d’un mémoire sur « la politique d’urbanisation française en zone inondable ».
Avec le changement climatique, les inondations sont de plus en plus fréquentes. Doit-on repousser les limites et/ou revoir le tracé des zones inondables ?
Sylvain Pasquier : « Les zones inondables continuent d’évoluer. Il me semble nécessaire de suivre et de tracer ces évolutions sans que cette limite fasse peur. Actuellement, être en zone inondable, c’est voir le prix du foncier baisser et voir, dans certains cas, son terrain devenir inconstructible. Il serait donc plus opportun d’opter pour la résilience et d’imposer des méthodes de construction permettant de s’adapter aux inondations, favorisant ainsi l’infiltration des eaux de pluie. Tout comme nous imposons des méthodes de construction parasismiques en zone sismique. Il faut évidemment prendre en compte le type d’inondations.
Par ailleurs, il faut aussi comprendre que l’amplification des inondations est en partie due à l’imperméabilisation des sols. Celle-ci résulte du développement des villes, de leurs infrastructures et de leurs bâtiments, mais aussi de notre gestion des campagnes avec une agriculture intensive et une destruction des forêts, des bois, des haies… Bon nombre de municipalités persistent à délaisser leur centre-ville pour construire en périphérie des bâtiments dits « plus adaptés » à la demande des occupants. Une approche différente est nécessaire dans la politique d’urbanisation afin de limiter cette imperméabilisation des sols. Aujourd’hui, il serait plus judicieux de rentrer dans une aire de « recyclage » et de réadaptation des centres villes plutôt que de s’orienter vers l’étalement des constructions et infrastructures qui en découlent.
Les zones inondables doivent-elles être désertées ?
S.P. : Il faut distinguer les zones de crues rapides et lentes. Les zones de crues rapides doivent être évitées et dégagées dans la mesure du possible afin de désengorger les cours d’eau. Dans les zones à crues lentes, seules les constructions non adaptées doivent être interdites tout comme les infrastructures.
Pour les habitants de ces zones inondables, existe-t-il des solutions simples et abordables à mettre en place pour éviter les dégâts ?
S. P. : Pour se prémunir d’une inondation, il faut que l’habitation soit en hauteur. Pour les constructions existantes, la seule solution possible est de rendre le rez-de-chaussée non habitable et de voir s’il est possible de récupérer cette surface en rajoutant un niveau au bâtiment, ou en créant une extension du niveau supérieur. Un renfort des fondations peut être nécessaire dans ce cas.
Dans ces zones à risque, l’inondation est-elle une fatalité ?
S. P. : Non, ce n’est pas une fatalité. Il existe des solutions comme celles des Pays-Bas, qui sont en partie situés sous le niveau de la mer. Ils ont adapté leurs habitations à la montée des eaux en construisant, par exemple, des maisons amphibies qui peuvent s’élever tout en restant stables.
Quel que soit le projet et la zone occupée, les nouvelles constructions prennent-elles systématiquement en compte les risques de catastrophe naturelle ?
S. P. : Elles doivent prendre en compte les risques répertoriés dans les PPR (Plans de Prévention des Risques).
Que préconisez-vous pour ceux qui souhaitent construire en zone inondable ?
S. P. : C’est actuellement interdit dans les zones à fort risque. Pour les autres zones, les préconisations sont dans les PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) qui peuvent imposer un rez-de-chaussée non habitable par exemple.